Mettre en place un processus de pratique tenant compte des traumatismes

Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce module, vous serez capable:

  1. D’identifier six façons de soutenir une pratique tenant compte des traumatismes
  2. De décrire les pratiques tenant compte des traumatismes qui sont appliquées à différents stades

Les conseils pour mettre en œuvre une pratique tenant compte des traumatismes peuvent être incorporés à chaque étape de la prestation de services, indépendamment de la discipline et du rôle clinique. 

La plupart des soins prodigués par le corps médical comportent trois étapes distinctes: l’évaluation initiale, l’intervention et la sortie. 

Les conseils pour une pratique tenant compte des traumatismes sont les suivants:

  • Poser une question de routine sur les antécédents traumatiques
  • Reconnaître les signes et symptômes d’antécédents traumatiques
  • Réagir aux signes et symptômes d’automutilation
  • Reconnaître les déclencheurs d’une personne
  • Répondre aux divulgations, et
  • Évaluer les risques et orienter

Les membres du corps médical sensibilisés aux traumatismes prêtent toujours attention aux signes d’antécédents traumatiques. Par conséquent, chacun de ces conseils peut être intégré à n’importe quel moment de la prestation.

Conseil pratique 1: Question de routine sur les antécédents traumatiques

  • Les traumatismes ont des répercussions sur la santé
  • S’informer sur les antécédents traumatiques lors de l’évaluation initiale ou à tout moment de la prestation de soins
  • Effectuer une brève intervention pour normaliser l’expérience
Exemple pratique

«De nombreuses personnes ont vécu des expériences traumatisantes au cours de leur vie — des situations dans lesquelles elles se sont senties menacées dans leur sécurité. Nous posons des questions sur les antécédents traumatiques car nous savons qu’ils peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé. Vous n’avez pas à répondre à la question si vous ne le souhaitez pas, mais y a-t-il quelque chose que je devrais savoir sur vos antécédents qui nous aiderait à travailler ensemble de manière à ce que vous vous sentiez en sécurité?»

Une question de routine sur les antécédents traumatiques doit être considérée comme faisant partie de chaque évaluation initiale et des soins qui s’ensuivent. Avant de la poser, il est recommandé d’offrir une brève intervention éducative portant sur la prévalence et les conséquences des traumatismes. Le fait de fournir ces informations contextuelles aide à normaliser le sujet et ouvre la porte à une divulgation ultérieure au cas où la personne ne se sente pas prête à parler dans le moment immédiat.

Par exemple, une professionnelle de la santé pourrait dire: «De nombreuses personnes ont vécu des expériences traumatisantes au cours de leur vie — des situations dans lesquelles elles se sont senties menacées dans leur sécurité. Nous posons des questions sur les antécédents traumatiques car nous savons qu’ils peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé. Vous n’avez pas à répondre à la question si vous ne le souhaitez pas, mais y a-t-il quelque chose que je devrais savoir sur vos antécédents qui nous aiderait à travailler ensemble de manière à ce que vous vous sentiez en sécurité?»

Doctor of african ethnicity consulting elderly patient sitting at white desk in office workplace. Black man with uniform and old woman discussing healthcare treatment and medicine

Conseil pratique 2: Reconnaître les signes et symptômes d’antécédents traumatiques

  • Reconnaître les comportements et les symptômes potentiellement indicateurs d’antécédents traumatiques (voir la liste sur cette page) et faire preuve de curiosité à leur égard.
  • Évitez d’étiqueter la personne.

Exemples de comportements que les membres du corps médical peuvent remarquer:

  • Annulations fréquentes de rendez-vous
  • Non-respect des recommandations de traitement
  • Évitement des examens physiques
  • Évitement des soins de santé
  • Malaise face aux membres du corps médical d’un sexe particulier
  • Recours fréquent aux soins d’urgence
  • Distraction ou incapacité de se concentrer
  • Réactions de surprises faciles
Exemple pratique

«Je remarque que vous n’avez pas pris vos médicaments pour le diabète depuis trois mois. Parfois, les gens rencontrent des difficultés à gérer leur emploi du temps et à planifier la prise de leurs médicaments. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous aider?»

Si des signes et symptômes d’antécédents traumatiques sont remarqués, plutôt que d’étiqueter la personne, un membre du corps médical avisé pourrait dire: «Je remarque que vous n’avez pas pris vos médicaments pour le diabète depuis trois mois. Parfois, les gens ont des difficultés à gérer leur emploi du temps et à planifier la prise de leurs médicaments. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous aider?»

Il est important de faire preuve de compassion et de ne pas porter de jugement. Acceptez ce que vous dit la personne et essayez de comprendre son point de vue. Cela permettra de créer un espace sûr qui l’encouragera à demander de l’aide supplémentaire au moment désiré.

Stress, inquiétude et mains de femme sur le canapé avec un problème de santé mentale, un problème et de l'anxiété à la maison.

Conseil pratique 3: Réagir aux signes et symptômes d’automutilation

  • L’automutilation est le fait pour une personne d’infliger intentionnellement des blessures à son corps
  • Déterminez l’intention et le niveau de risque

Exemples d’automutilation:

  • Se couper
  • Se tirer les cheveux
  • Se gratter/se piquer
  • S’infliger des brûlures

Le personnel de la santé peut constater:

  • Des coupures profondes nécessitant des points de suture
  • Des plaies infectées nécessitant des antibiotiques
  • Des ecchymoses sur le corps
  • Des traces de blessures récentes
  • Des cicatrices inhabituelles
Exemple pratique

«Je remarque que vous avez plusieurs coupures sur les mains. Pouvez-vous me dire ce qui s’est passé?»

Les personnes ayant subi un traumatisme adoptent parfois des comportements d’automutilation, ce qui signifie qu’elles se blessent volontairement. Il peut s’agir de se couper, de s’arracher des cheveux, de se gratter, de se piquer ou de se brûler, par exemple. L’intention n’est pas de mettre fin à sa vie, mais de «mettre fin à des sentiments douloureux» ou de se punir soi-même. 

L’automutilation peut indiquer qu’une personne a du mal à faire face à une situation et qu’elle a besoin de soutien. Lors de l’évaluation, il est important de déterminer l’intention derrière l’automutilation et le niveau de risque qui y est associé. S’agit-il d’une automutilation ou d’une tentative de suicide?

L’automutilation peut être un symptôme troublant que le personnel de la santé doit reconnaître et auquel il doit répondre. Le manque de formation sur le sujet peut créer une incertitude sur la manière d’aborder la conversation. Le maintien d’une attitude compatissante et respectueuse, tout en évitant d’exprimer un jugement ou de s’alarmer, peut contribuer à créer un espace sûr dans lequel une personne peut divulguer davantage d’informations. Une bonne façon d’aborder le sujet pourrait être la suivante: «Je remarque que vous avez plusieurs coupures sur les mains. Pouvez-vous me dire ce qui s’est passé?»

Mental health - woman sitting at the floor having emotional breakdown, stress and emotional burnout

Conseil pratique 4: Reconnaître quand une personne subit un événement déclencheur

  • Un événement déclencheur (ou simplement un déclencheur) est un élément qui rappelle à une personne l’événement ou l’expérience traumatique d’origine.
  • Une fois le déclencheur activé, la personne est ramenée au souvenir traumatique. Elle peut perdre conscience du moment présent.

Exemples:

  • Lutte, fuite, gel, fermeture

Les membres du corps médical peuvent constater:

  • Réagir soudainement et avec colère (lutte)
  • Repousser le personnel soignant lors d’une évaluation (lutte)
  • Demander et/ou tenter de partir (fuite)
  • Ignorer les instructions (gel)
  • Se raidir soudainement (gel)
  • Devenir très calme, silencieux et mou (fermeture)
  • Tomber dans la lune (fermeture, dissociation possible)
Exemple pratique

«Suzie, ça va? Est-ce que vous m’entendez? Je remarque que vous êtes devenue très silencieuse et que vous semblez distraite. Je suis là et je veux vous aider. Pouvez-vous regarder autour de vous?»

Un déclencheur est une expérience sensorielle (odeur, vue, goût, toucher, son) qui rappelle un événement traumatique passé. Une fois le déclencheur activé, la personne est replongée dans son souvenir traumatique. Elle peut perdre conscience du moment présent.

Les procédures et pratiques de soins de santé peuvent rappeler des souvenirs traumatiques à une personne et déclencher une réaction de lutte, de fuite, de gel ou de fermeture. C’est ce qu’on appelle la retraumatisation. Les membres du corps médical doivent être attentifs aux signes indiquant qu’une personne vit un déclencheur et essayer de comprendre la signification de son comportement. 

L’utilisation de techniques d’ancrage peut aider une personne à revenir au moment présent. L’une des méthodes consiste à lui demander de prendre conscience de son corps. L’utilisation de la technique de l’ici-maintenant (ou «grounding»), comme le fait de demander à la personne de sentir ses pieds sur le sol ou son dos contre une chaise peut l’aider à revenir au moment présent. Par exemple, un professionnel de la santé qui remarque que sa patiente devient soudainement très immobile peut la ramener à la réalité en lui disant: «Suzie, ça va? Est-ce que vous m’entendez? Je remarque que vous êtes devenue très silencieuse et que vous semblez distraite. Je suis là et je veux vous aider. Pouvez-vous regarder autour de vous?», et en s’assurant qu’elle est pleinement présente avant de poursuivre la prestation de soin.

Une personne peut ressentir de la honte après une telle situation. Les membres du personnel de la santé doivent faire preuve de compréhension et de compassion en validant et en normalisant la réaction. Expliquez qu’il s’agit malheureusement d’un phénomène fréquent chez les personnes ayant des antécédents traumatiques. Discutez de la façon de procéder pour réduire la probabilité que cela ne se reproduise.

Pensive serious therapist listening to patient talking about his problem in online therapy session

Conseil pratique 5: Répondre aux divulgations

  • La capacité de divulguer des antécédents traumatiques varie d’une personne à l’autre
  • La divulgation exige une certaine confiance
  • Il n’est pas utile d’exprimer un choc, de la pitié ou de la colère envers la personne responsable d’un traumatisme
Exemple pratique

«Ce qui vous est arrivé me désole profondément. C’est normal de pleurer. Je sais qu’il vous a fallu beaucoup de courage pour me dire cela.»

La capacité à révéler des antécédents traumatiques varie d’une personne à l’autre — certaines n’ont aucun souvenir concret, d’autres n’ont que des fragments. Certains peuvent craindre de révéler leur histoire et avoir l’impression qu’on ne les croira pas. D’autres peuvent révéler leurs antécédents lorsqu’on le leur demande, et d’aucuns peuvent faire des allusions en essayant d’évaluer s’il est possible d’en révéler davantage en toute sécurité.

La divulgation d’antécédents traumatiques exige de la confiance de la part de la personne survivante. Les membres du corps médical doivent honorer cette confiance en répondant avec respect, conviction et compassion. Il n’est pas utile d’exprimer un choc, de la pitié ou de la colère à l’égard de la personne responsable du traumatisme.

Par exemple, une bonne réaction pourrait être la suivante: «Ce qui vous est arrivé me désole profondément. C’est normal de pleurer. Je sais qu’il vous a fallu beaucoup de courage pour me dire cela.» 

Il est important que le personnel de la santé ne conteste pas ou n’ignore pas ce qui lui est confié. Il faut plutôt valider l’expérience, puis aider la personne à planifier la façon dont elle prendra soin d’elle-même après la consultation, car la divulgation peut provoquer des réactions à retardement et viscérales.

Une note sur la façon de réagir aux divulgations et sur l’importance de prendre soin de soi

Les fournisseurs de soins de santé sont fréquemment exposés aux traumatismes de leurs patients (voir Les répercussions des traumatismes).

Bien que le fait qu’un client révèle ses antécédents traumatiques à son fournisseur de soins de santé soit une preuve de confiance, cela peut également exposer ce fournisseur à des traumatismes vicariants et/ou secondaires :

  • Le traumatisme vicariant résulte d’un engagement empathique avec les survivants du traumatisme, comme le fait d’être témoin de la douleur et de la perte d’autrui et de faire preuve d’empathie à leur égard.
  • On parle de traumatisme secondaire lorsque le traumatisme des patients dont s’occupe le fournisseur déclenche des souvenirs de sa propre histoire traumatique.

La santé est une profession à haut risque d’exposition aux traumatismes. Les fournisseurs de santé devraient intentionnellement intégrer des stratégies d’autosoins pour prendre soin d’eux-mêmes lorsqu’ils sont exposés à un traumatisme.

Pour t’aider, tu peux :

  • Appuie-toi sur tes proches : Tends la main à tes amis et à ta famille pour qu’ils te soutiennent. Tout en respectant l’intimité et la confidentialité du patient, tu peux leur parler de ton expérience et de tes sentiments. Tu peux aussi demander à tes proches de t’aider dans les tâches ménagères ou autres obligations pour soulager un peu ton stress quotidien.
  • Accorde la priorité aux soins personnels : Fais de ton mieux pour manger des repas nutritifs, pratiquer une activité physique régulière et avoir une bonne nuit de sommeil. Cherche d’autres stratégies d’adaptation saines comme l’art, la musique, la méditation, la relaxation et le fait de passer du temps dans la nature.
  • Demande de l’aide : Tout le monde n’a pas besoin d’un traitement pour le stress traumatique. La plupart des gens se rétablissent d’eux-mêmes avec le temps. Si ta détresse interfère avec tes relations, ton travail ou ton fonctionnement quotidien, demande de l’aide à un professionnel.

Pour plus d’informations, visite le site “How to cope with traumatic stress” (APA – EN) ou la campagne #SoinsPourLesSoignants propre à Hommage aux professionnel•le•s de la santé.

Depressed suicidal woman sitting on living room floor, feeling frustrated and having chronic mental disease difficulties. Anxious female person dealing with sadness and negativity.

Conseil pratique 6: Évaluer les risques et orienter

  • La suicidalité est fréquente chez les personnes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique
  • La présence d’une dépression majeure augmente davantage le risque de suicidalité
  • Il est essentiel pour les personnes soignantes de déterminer les risques et les mesures à prendre
  • Poser des questions sur les intentions suicidaires n’augmente pas le risque de suicide
Exemple pratique

«Avez-vous des pensées suicidaires? Avez-vous un plan? Quel est-il? Avez-vous les moyens de mettre votre plan à exécution?»

La suicidalité est fréquente chez les personnes souffrant d’une d’un trouble de stress post-traumatique. La présence d’une dépression majeure augmente davantage le risque de suicidalité. Certains peuvent déclarer avoir des pensées suicidaires sans pour autant avoir l’intention de passer à l’acte. Il est donc essentiel pour les membres du corps médical de déterminer les risques et les mesures à prendre, le cas échéant.

Il est important de garder à l’esprit que le fait de poser des questions sur les intentions suicidaires n’augmente pas le risque de suicide. Une bonne façon d’aborder le sujet et de déterminer le niveau de risque serait de la façon suivante: «Avez-vous des pensées suicidaires? Avez-vous un plan? Quel est-il? Avez-vous les moyens de mettre votre plan à exécution?»

Dans les établissements autres que ceux spécialisés en soins de santé psychologique, il n’est pas courant de poser des questions sur les intentions suicidaires. Le personnel peut se sentir mal à l’aise d’aborder ces questions. 

Il est important de former le personnel à l’évaluation des risques, quel que soit le cadre dans lequel il exerce, pour mettre en place un processus de soins tenant compte des traumatismes. 

Le dernier module de ce cours propose des informations et des stratégies pour créer des organisations tenant compte des traumatismes.

River at Hoi An Vietnam at sunset

«Lorsqu’une autre personne vous fait souffrir, c’est parce qu’elle souffre profondément en elle-même et que sa souffrance se répand. Elle n’a pas besoin de punition; elle a besoin d’aide. C’est le message qu’elle envoie.»

— Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste

Les soins tenant compte des traumatismes invitent à un changement de perspective. Ce changement de perspective est parfaitement illustré par les mots du moine bouddhiste Thich Nhat Hanh: «Lorsqu’une autre personne vous fait souffrir, c’est parce qu’elle souffre profondément en elle-même et que sa souffrance se répand. Elle n’a pas besoin de punition; elle a besoin d’aide. C’est le message qu’elle envoie.»

Quiz

Laquelle des réactions suivantes est appropriée face à une patiente qui révèle des antécédents traumatiques:
Les soins tenant compte des traumatismes sont:
Les personnes ayant des antécédents traumatiques peuvent être déclenchés par:
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