La perte
Abordons maintenant les différents types de pertes et la façon dont ils contribuent aux différents types de deuils.
Perte traumatique
Certains types de décès sont associés à des difficultés accrues en matière de deuil et de santé mentale. L’un de ces types, appelé perte traumatique ou décès traumatique, a affecté de nombreux membres du corps médical pendant la pandémie.2
Voici quelques exemples de pertes traumatiques:
- Une mort inattendue, soudaine ou prématurée
- Un décès accompagné de souffrances
- Un décès jugé évitable
- Un décès ou des circonstances de décès considéré comme inéquitables ou injustes
- Un décès d’enfant
Après une perte traumatique, la vie peut sembler dénuée de sens, injuste et imprévisible. Il peut y avoir un risque de blessure morale si les circonstances de la perte vont à l’encontre de ses principes moraux. Il est important d’identifier ses sentiments à ce moment, car le chagrin et le traumatisme peuvent indiquer un besoin accru de soutien.
Perte ambiguë
Le terme «perte ambiguë» a été utilisé pour la première fois dans les années 1970 par une chercheuse qui travaillait avec des familles de militaires disparus au combat pendant la guerre du Viêt Nam.3
Aujourd’hui, il existe deux types définis de perte ambiguë:
- Une personne est physiquement disparue
- Une personne est physiquement vivante mais psychologiquement disparue (ex.: atteinte de démence)
Plus récemment, la perte ambiguë a également été utilisée pour décrire une perte qui se produit sans compréhension claire ou conclusion à proprement parler. Elle est particulièrement difficile à vivre car elle laisse la personne qui la vit angoissée et en quête de réponses.
Perte symbolique
La perte symbolique fait référence à des pertes qui ne sont pas physiques4, telles que:
- La perte d’identité ou du sentiment d’être soi-même
- La perte d’une ou de plusieurs relations
- La perte d’un emploi
- La perte d’espoirs et de rêves
Pendant la pandémie, vous avez peut-être subi une perte symbolique de confiance, d’espoir ou de valeurs. Vous avez peut-être eu l’impression qu’une partie de vous-même était déplacée ou brisée à cause de votre expérience. Vous avez peut-être même mis fin à des relations personnelles en raison de conflits liés à la COVID-19.
Les pertes symboliques ne sont souvent pas reconnues, mais il n’y a pas lieu de se sentir coupable, égoïste ou idiot de pleurer des pertes non liées à des décès physiques. Les pertes symboliques sont valables et doivent être pleurées!
Le deuil
Il est important de se familiariser avec les différents types de pertes, car ils peuvent avoir une incidence sur le type de deuil qui s’ensuivra. Par exemple, une perte traumatique peut mener à un deuil traumatique. Une perte symbolique peut être liée à un deuil non reconnu. Attardons-nous donc aux différents types de deuils.
Le deuil d’anticipation
Le deuil d’anticipation survient lorsque l’on se rend compte que la mort est imminente et inévitable. Ce type de deuil vous est peut-être devenu particulièrement familier pendant la pandémie. Par exemple, au début d’un quart de travail, peut-être vous êtes vous préparé à perdre des patients dans les heures à suivre.
Tout comme la perte ambiguë, le deuil d’anticipation peut découler de pertes non physiques. Pendant la pandémie, il se peut que vous ayez pleuré la perte d’étapes ou de jalons marquants de la vie comme des remises de diplômes, des réunions de famille ou des mariages.
Deuil traumatique
On parle de deuil traumatique lorsque le traumatisme et le deuil surviennent en même temps. Les membres du corps médical de la première ligne sont particulièrement concernés, car ceux-ci peuvent traverser un deuil en réaction directe à la souffrance d’un patient.
Voici quelques facteurs associés au deuil traumatique professionnel:5
- Le fait d’être témoin de pertes multiples
- Forte demande de soins
- Surcharge de travail
- Être témoin d’une mort soudaine et inattendue
- Charge émotionnelle élevée
- Manque de ressources et d’équipements
- Manque de connaissances sur la mort traumatique
- Absence ou manque de soutien social
- Peur anticipée
Le deuil traumatique peut entraîner de la tristesse, du stress, de l’épuisement émotionnel et de l’insomnie.
Deuil non reconnu
On parle de deuil non reconnu lorsqu’une perte n’est pas socialement acceptée ou prise au sérieux.6 Il peut s’agir, par exemple, d’une fausse couche, d’une rupture, de la perte d’un emploi ou de la mort d’un animal de compagnie.
Ce deuil peut être difficile à vivre parce qu’il est l’objet de moins de rituels et de soutien institutionnel.
Même un deuil reconnu peut devenir un deuil non reconnu lorsque des amis et proches bien intentionnés imposent une limite temporelle à votre processus de deuil, comme lorsqu’ils demandent: «Pourquoi n’as-tu pas encore surmonté cette épreuve?»
Les membres du corps médical peuvent faire l’expérience d’un deuil non reconnu de façons différentes. Certaines personnes peuvent attendre de vous que vous «fassiez simplement votre travail», quelle que soit la relation que vous aviez avec un patient récemment décédé. On peut vous dire que ça vient avec le travail, que ça fait partie de vos fonctions.
Bien que les membres du corps médical soient fréquemment exposés à la mort, ils sont rarement formés à la gestion du deuil qui l’accompagne.
Deuil cumulatif
Le deuil peut devenir chronique ou cumulatif lorsque les sentiments ne sont pas reconnus ou traités. Les pertes cumulées peuvent contribuer à l’usure de la compassion, à l’épuisement professionnel et à un attachement soit excessif, soit insuffisant à ses patients.
Deuil complexe
Lorsque le deuil domine la vie d’une personne pendant une période prolongée, il peut se transformer en deuil complexe.7 Celui-ci ressemble souvent à l’anxiété ou à la dépression de longue durée, mais survient en réaction directe à la perte subie. Les symptômes du deuil complexe peuvent inclure la nostalgie, la solitude, le choc, le déni, la colère et la méfiance.
Lorsque l’on ne prend pas le temps d’analyser ses sentiments à la suite d’une perte, le risque d’un deuil complexe augmente.
En raison de la pandémie, beaucoup d’entre nous n’ont pas pu faire de deuil de façon traditionnelle, comme assister à des funérailles ou suivre une thérapie. Cela peut nous exposer à un risque de deuil complexe.